Semences de la ferme Le casse-tête du COV
Avec la nouvelle loi sur les semences votée fin novembre 2011, le certificat d'obtention végétale déjà appliqué sur les semences certifiées va aussi être décliné sur les semences de ferme. Restent à définir les modalités d'application de cette loi. Les discussions s'annoncent très tendues.
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Le certificat d'obtention végétale a fêté cet hiver, son cinquantième anniversaire à Paris, car c'est à Paris que la convention internationale de l'Upov a été signée le 2 décembre 1961. Depuis son adoption, elle a été modifiée à plusieurs reprises, en 1972, en 1978 et surtout en 1991. C'est cette révision de 1991 qui a été ratifiée par la nouvelle loi sur les semences adoptée par les députés français, le 28 novembre dernier et promulguée le 8 décembre. Et c'est son volet semences de ferme qui a immédiatement suscité une levée de boucliers, notamment de la part des syndicats agricoles minoritaires, Confédération paysanne et Coordination rurale.
Les décrets d'application devraient maintenant être discutés à l'Assemblée nationale en septembre, ils laisseront ensuite place aux négociations entre sélectionneurs et agriculteurs. Les détracteurs du COV mettent surtout en avant le droit ancestral et universel des agriculteurs à ressemer leurs propres récoltes. La première version de la convention de l'Upov laissait planer le doute sur l'application du COV aux semences de ferme, car elle n'y faisait pas du tout allusion. Sans précision dans les textes, de nombreux pays considéraient comme d'usage, l'exonération pour les semences de ferme, du paiement des royalties.
COV ou brevet
Ce n'était pas le cas en France. " Depuis le jugement de Nancy de 1985, l'utilisation des semences de ferme sans s'acquitter du droit de l'obtenteur, était illégale en France, explique François Burgaud, directeur des relations extérieures du Gnis. Depuis, la Sicasov, la Sacem des obtenteurs, a poursuivi à soixante-cinq reprises des agriculteurs qui utilisaient des semences de ferme. Cinquante-sept poursuites ont été réglées à l'amiable et les huit autres ont été jugées en faveur des obtenteurs. " " Cette loi légalise désormais la pratique d'utilisation des semences de ferme de variétés protégées, sous réserve de s'acquitter du droit de l'obtenteur, précise Daniel Segonds, président du Gnis, alors que les textes précédents l'interdisaient. " En dehors de la question spécifique des semences de ferme, le COV est en général considéré comme un bon outil pour financer la recherche. " Le COV a été un pilier essentiel de l'innovation, il a fait preuve d'une très grande efficacité ", reconnaît Pierre-Benoît Joly, directeur de recherche à l'Inra. " Entre 1956 et aujourd'hui, le rendement en blé a fait un bond d'un peu plus de 20 q/ha à 70 q/ha en France, alors qu'aux Etats-Unis, pays où les variétés ne sont pas protégées par un COV, il n'est passé que d'un peu plus de 10 q/ha à 20 q/ha ", ajoute Daniel Segonds. D'autres pays ont opté pour le brevet pour protéger leurs innovations variétales, un système beaucoup plus restrictif.
François Hollande ravive le débat
Pour les sélectionneurs français qui ont vu le coût de leurs recherches grimper et les taux d'utilisation de semences certifiées s'effriter, la contribution des semences de ferme à l'effort de recherche est cruciale. C'est un enjeu de 35 M€ par an par rapport aux 200 M€ investis dans la recherche par les obtenteurs français, a calculé le Gnis.
La réponse de François Hollande à la Confédération paysanne, juste avant son élection le 2 mai, ravive le débat. « La loi sur le COV soulève une incompréhension chez les agriculteurs français qui voient un prélèvement nouveau… et perdent un droit immémorial d'utiliser gratuitement les semences de ferme. Les socialistes ont proposé des évolutions et une discussion pour une autre loi. Ils n'ont pas été entendus. Il faudra y revenir », indique le courrier. « Nous estimons que ces propos ne remettent pas en cause la loi votée en décembre 2011 et ne sont pas en contradiction avec le courrier que nous avions nous-mêmes reçu par le biais du député socialiste Germinal Peiro, le 16 avril dernier », indique François Burgaud. De toutes façons, les négociations ne devraient pas aboutir avant le vote des élections aux chambres d'agriculture programmées pour le début de l'année 2013. « Si aucune solution n'est trouvée, remarque Thierry Momont, PDG des Ets Momont, le risque est que les sélectionneurs finissent par se tourner vers le brevet. »
DOSSIER REALISÉ PAR BLANDINE CAILLIEZ
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